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Korité 2009

Les préparatifs ne connaissent pas l’engouement des années précédentes

A quelques jours de la Korité, ou Aïd El Fitr qui marque la fin du mois béni du Ramadan, les sénégalais font leurs préparatifs sans grande entrain. En effet, la crise économique avec son lot de désolation ainsi que l’approche de la rentrée scolaire ne leur facilite pas la tâche. Un tour au marché HLM, d’habitude très fréquentée durant les fêtes, dénote à quel point le phénomène est manifeste car le pouvoir d’achat des sénégalais se voit à la baisse.

A l’approche du marché HLM, la clameur des vendeurs, les chants provenant de haut-parleurs ou les « tassous » (chants traditionnels) font office d’accueil. Par des pas de danses, des paroles drôles, chaque vendeur affiche une joie sans pareille pour séduire tout éventuel acheteur. Bref, il y règne une grande ambiance durant cette période de Ramadan, difficile à cause de la chaleur caniculaire qui donne le vertige à plus d’un. Une fois sur les lieux, ce sont des vendeurs de tissu, de chaussures, des tailleurs, des bijoutiers, et des marchands ambulants qui s’agitent dans tous les sens pour attirer la clientèle. Cependant, malgré cette allégresse non dissimulée, se cache la crainte d’une baisse des chiffres d’affaires. En effet, le marché HLM qui ne désemplissait pas d’habitude s’avère déserté par ses clients. Les commerçants redoutent le pire mais restent quand même optimistes. Birame Diouf, vendeur de tissus, soutient qu’il n’y a pas d’argent, les clients veulent acheter mais ils n’ont pas de quoi le faire. « C’est surtout dû au fait qu’il ne soit pas encore la fin du mois et il y a la rentrée scolaire qui s’annonce. Les tissus sont là invendus pour la plupart alors qu’ils sont vraiment à des prix abordables » justifie t-il. Thierno Sall, vendeur de bijoux (dans un magasin grand standing juste en face du marché, de l’autre côté du trottoir) nous dit que tout va pour le mieux car il reçoit beaucoup de monde même si son chiffre d’affaire de l’année dernière était beaucoup plus important : « Cette année-ci, les gens achètent plus les bijoux moins chers parce que l’argent manque et ils attendent toujours les derniers jours avant la fête pour le faire ». Abdoulaye Diallo, vendeur de robes d’été, fait échos à son prédécesseur en sens que la vente est aussi fructueuse pour lui car les robes légères en coton sont très prisées à cause de la chaleur caniculaire. Certains vendeurs hélas, hormis la rareté de la clientèle, se plaignent de l’insalubrité car, dans le marché, les ordures jonchent les trottoirs et sont entassées sur une partie de la route ce qui accentue l’invasion des mouches tout en laissant échapper une odeur très repoussante ; l’eau des dernières pluies stagne un peu partout et devient le nid des moustiques. Les commerçants regrettent le fait que la Mairie ne leur vienne pas en aide, surtout durant cette période de Korité, bien qu’elle soit souvent sollicitée. Selon Khadim Diakhabi, trouvé dans son magasin, « c’est à croire que la Mairie n’est là que pour nous soutirer de l’argent, elle ne sert à rien. Elle doit se charger des questions de salubrité et de sécurité, surtout durant les périodes de fêtes où les agressions et les vols sont plus fréquents. Tous les commerçants, même ceux qui mettent leur étal sur le trottoir, versent des patentes à la Mairie (comprises entre 4000 et 5000 frs CFA pour les magasins) ou c’est la fermeture assurée dans le cas contraire». Moustapha Diop, vendeur dans le même magasin, laisse entendre que l’odeur nauséabonde des ordures et des eaux usées fait fuir les éventuels clients. Quoi qu’il en soit, les deux gérants de cette boutique regrettent la rareté de la clientèle, raison pour laquelle leur quantité de tissus est restée au même endroit depuis leur achat. Un autre gérant, d’une boutique spécialisée dans la vente de bazins, de « Thioubs » aborde dans le même sillage que les autres. Mais pour Pape Ndiaye, la rareté est plus due à la saison car le bazin n’est pas adéquat durant l’été car les gens ont besoin d’étoffes légères, agréables au contact de la peau. Partout est chanté le même refrain concernant « la chute libre » des chiffres d’affaires que ça soit pour le vendeur de chaussures, de tissus ou de parures, même les vendeurs d’ustensiles de cuisine sont laissés en rade. Les couturiers, qui sont légion au niveau du marché HLM, nous avouent, au milieu du vacarme des machines à coudre, qu’ils n’ont jamais connu pire situation. Habituellement, à cette période de l’année, ils refusaient toutes les commandes de dernières minutes mais il y a moins de monde que les années précédentes et cela a une incidence sur leur chiffre d’affaire qui est revu à la baisse. Certains même en viennent à se demander s’ils pourront rémunérer leur personnel. Au cœur du marché, des passants mettent une demi-heure à marchander pour finalement continuer leur chemin sans acheter tandis que d’autres restent devant les vitrines à contempler les beaux tissus souvent hors de prix. La tendance, pour la fête de cette année, est au « Sari » (tissu en provenance d’Inde) nous dit un vendeur qui ajoute à ce propos que le tissu en question est appelé « Vaidehi » par tous les commerçants à cause du feuilleton hindou qui passe actuellement sur 2STV.

"Comme les sénégalaises aiment se faire belles !"
Toutefois, nonobstant cette crise qui sévit partout dans le marché, certains parviennent à rallier les deux bouts, ou mieux, ils se font beaucoup d’argent en faisant des gestes simples mais requérant beaucoup de finesse. Il s’agit de ceux qui travaillent dans l’esthétique, que ça soit les ongleries (manucure, pédicure), les salons de coiffure ou les tatoueurs. Entre bousculades et injures à tous les coins de rue et sous le chaud soleil, certaines femmes trouvent malgré tout le temps de se faire faire les ongles. A l’entrée d’une petite ruelle du marché, tellement étroite que les passants sont collés les uns aux autres tels des sardines en boîte, elles forment un attroupement autour d’hommes et femmes qui s’activent à faire les ongles. Ces femmes prennent leur mal en patience et attendent leur tour en lisant un magazine ou en discutant avec la voisine d’à côté. Khady Dieng, manucuriste, nous avoue que les affaires vont bon train et qu’il leur arrive de refuser du monde car ils sont très sollicités. « Vous savez que les sénégalaises sont très coquettes, c’est pourquoi elles ne perdent jamais une occasion de se faire belles durant les fêtes. Même durant la veille de la Korité, il y en a qui restent ici jusque tard dans la nuit pour avoir des mains raffinées » ajoute t-elle. Les tatoueurs également pris d’assaut par la gente féminine expriment leur joie non contenue de voir la clientèle augmenter chaque jour. Des femmes de différentes tranches d’âge se font dessiner des arabesques sur les mains, sur les pieds ou les deux à la fois, à l’encre ou au henné. Pour certaines d’entres elles, les tatouages sont très à la mode et puis c’est beau à voir. Les salons de coiffure et les magasins de cosmétiques sont aussi très sollicités. Aïda Hann, vendeuse dans une cosmétique nous confie que les maquillages sont plus vendus parce que les sénégalaises aiment le maquillage et surtout qu’elle effectue chaque année, durant les fêtes, des réductions sur tous les produits proposés dans sa boutique. Des étals fourmillent partout dans le marché. Il y a des marchandises pour toutes les bourses, allant des tissus, aux chaussures en passant par les ustensiles de cuisine et le maquillage. Les trottoirs sont envahis par certains vendeurs tandis que d’autres occupent une partie de la route au risque de se faire écraser par les voitures.
" Ras-le-bol des embouteillages !"
Les chauffeurs également vivent des moments de calvaire à l’approche des fêtes car les embouteillages ne leur facilitent pas la tâche. C’est pourquoi certains préfèrent ne pas emprunter la voie menant vers les HLM car étant difficile d’accès à cause de la fête qui se prépare. Les piétons confondent la route avec le trottoir car les étals sur le sol (et parfois même sur la route) les empêchent de circuler librement. Du coup, ils sont obligés de partager la route avec les chauffeurs qui râlent ou qui piquent une crise de nerfs. Fallou Seck, chauffeur de taxi, nous fait remarquer qu’il n’y a pas beaucoup d’embouteillage au niveau du marché durant la soirée, c’est seulement dans la matinée que le phénomène est latent. En plus selon lui, les embouteillages sont la cause d’agressions et de vols car les garnements n’hésitent pas à glisser une main à travers la fenêtre d’un véhicule pour voler. « Il y a beaucoup d’insécurité dans la zone et la Mairie devrait y remédier » dénonce Matar Lô, chauffeur de clando. L’approche de la rentrée scolaire et la crise économique que traverse le pays, entraînent d’énormes difficulté. Le marché Hlm généralement très fréquenté à l’approche des grands événements semble aujourd’hui déserté par ses clients car la conjoncture limite leurs ambitions. La priorité semble être ailleurs pour les sénégalais.

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