Des objets
presque bannis du quotidien
A l’ère des
Androïdes ou des téléphones sophistiqués ou intelligents, les appareils de
photos numériques, qui étaient à la mode il y a à peine quelques années, se
voient jetés aux oubliettes.
Au marché
Colobane, des personnes se rencontrent tous les jours pour acheter ou pour
vendre des articles qu’ils soient neufs ou vieux mais en bon état. Entre
friperies, chaussures, jouets, bouquins et objets électroniques cet endroit
fait penser aux souks ou bazars dans les pays arabes. Tout au long d’une allée
très étroite, où sont disposées des tables sur lesquelles toutes sortes
d’articles sont proposés, les passants se bousculent sans trop faire exprès
pour tenter de se frayer un passage. Parmi ces derniers, un homme grand de
taille, avec une casquette à la tête, tient un sachet de couleur sombre qu’il
balance de temps à autre suivant le mouvement du bras. Arrivé devant un étal,
il s’arrête pour demander « Baye Fall », le propriétaire de ce commerce
de matériels électroniques. Ce dernier arrive presque aussitôt puisqu’il était
non loin de là. « Je veux revendre deux appareils de photo que j’ai
là » dit Tapha, en dévoilant en même temps le contenu de son sachet. Il
s’agit d’appareils numériques d’une marque assez connue qu’il veut refourguer à
10000 FCFA l’unité. Son interlocuteur
regarde les outils, qu’il tourne et retourne dans tous les sens avant de
l’allumer et de conclure « Je les prends à 12000 FCA les deux ».
Après plusieurs minutes de marchandage, Tapha laisse enfin les appareils à
13500 FCFA à Baye Fall. « Les appareils photos numériques ne rapportent
plus comme avant ; les analogiques n’en parlons même pas. A cause des
téléphones portables qui offrent l’option de la photo plus personne ne
s’encombrent de ces choses. Ce ne sont que les touristes ou des fois des
professeurs de photographie qui viennent me les acheter avec 1000 ou 1500 FCFA
de bénéfice en plus ou au même prix que je les ai eus » se désole ce
dernier.
Pour certains
sénégalais, ces outils pour prendre des photos sont vite dépassés vue la
vitesse à laquelle la technologie évolue donc les garder serait s’encombrer
inutilement. « Les portables font tout maintenant : la photo, la
vidéo et j’en passe et avec une netteté extraordinaire. Pas besoin d’être pro
pour savoir photographier parce que tout est déjà programmé, ce qui est
impossible avec l’appareil photo » nous dit Saliou, cet adepte des
androïdes. Pour lui, les Smartphones offrent tellement de possibilités que ne
saurait le faire un simple appareil photo. « Quand je vois des femmes
recourir encore aux photographes lors des évènements comme les baptêmes et les
mariages, je suis sidérée. Elles sont trop « have been » (démodées)
parce que plus personne ne le fait. Je prends des photos de moi ou de mes
copines à travers mon phone et avec certaines applications, on peut même les
corriger ou les modifier à notre guise pour un plus beau résultat » nous
dit Alimatou Sadiya, ses deux téléphones dans la main.
Plus loin, un
vendeur d’appareils photos marchande avec un client en veste cuir noire, un sac
à son dos. Djiby Yall, photographe de profession, veut acquérir un nouveau
joujou pour ses prestations. « Je ne suis pas d’accord avec ceux qui
pensent que cet appareil n’est plus utile. Bien au contraire, j’ai besoin de ça
pour prendre des photos lors des cérémonies et constituer un album pour la
clientèle. Avec le téléphone portable, on ne peut pas faire autant de bons
plans parce qu’il y a un problème de netteté qui se pose quand on est très loin
de l’objectif et qu’on veut utiliser le zoom » nous dit-il avec une pointe
de fierté. Cependant, leur gagne-pain se voit de plus en plus menacé puisque
les jeunes, en tout cas les adeptes des « snaps » et des «
selfies » se refusent à payer 500 ou 1000 FCFA pour une photo quand ils
ont la possibilité de le prendre eux-mêmes. « Moi, je suis allergique aux
photographes. Parfois, ils te ratent la photo et demandent quand même à être
payer ! Avec mon portable, je peux supprimer et refaire une photo à chaque
fois » nous dit Ndèye Fatou, une Sénégalaise teint clair avec une pointe
d’ironie. « Je ne vends plus les appareils photos parce qu’ils restent ici
des semaines voire des mois sans que je ne sache quoi en faire. Les rares
clients qui en veulent les prennent à un prix dérisoire, parfois en deçà du
prix d’achat. Je ne veux plus vendre à perte » confesse Cheikh, qui fait
maintenant dans les téléphones neufs ou d’occasion, secteur qui rapporte le
plus selon ses dires. Mais pour Aminata, cette vendeuse dans un magasin de
matériels électroniques, il faut distinguer les différents appareils parce que
« les appareils de photographie utilisés par les professionnels du
documentaire animalier ou autres sont toujours aussi coûteux parce que beaucoup
plus sophistiqués ».
Avant le prix
des appareils photos numériques variait de 50000 à 100000 FCFA voire plus en
magasin. Aujourd’hui, ces petits joujoux, rangés dans les tiroirs ou revendus à
bas prix au marché, entre 6500 et 8000 FCFA, sont remplacés par les téléphones
jugés plus sophistiqués et plus performants. Mais à la vitesse où évolue la
technologie force est de se demander si ces derniers ne seront pas remplacés
par d’autres formes d’androïdes plus « intelligents » comme les
robots.
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