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Alimentation-santé


Ces bouillons qui compliquent la vie
Des dizaines de marques de bouillons, en cube ou en poudre, inondent le marché au Sénégal. Dans la cuisine moderne, point besoin d’être cordon bleu pour mijoter des plats riches en saveurs puisque nos chères ménagères ont trouvé la formule magique en utilisant ou abusant de ces produits pour épater le palais de leur conjoint, bref de leur famille. Pourtant, ces bouillons devenus depuis plusieurs années le produit « indispensable » dans la marmite de beaucoup de cuisinières ou cuisiniers, seraient nocifs pour la santé du fait des ingrédients qui les composent.
Un tour dans les marchés nous permet de savoir à quel point les exhausteurs de goût sont présents dans nos vies. Les ménagères, panier à la main, font le tour des étales pour acheter tout ce qui est nécessaire à la préparation du repas du jour mais quel que soit ce mets, l’une de ces dizaines de cubes qui inondent le marché est forcément dedans. « Je ne suis pas habituée à cuisiner sans cubes parce que c’est ce qui relève le goût surtout quand il s’agit de sauces. Le sel seul ne parvient pas à donner autant de saveurs à tout ce qu’on prépare » nous dit Arame, debout devant son vendeur de légumes. « C’est vrai qu’il y a beaucoup de cubes mais j’utilise toujours ceux qui sont de meilleure qualité pour mes plats. Il y a des femmes qui testent chaque nouveau cube qui sort sur le marché mais moi je reste fidèle à celui que j’ai déjà adopté parce que c’est meilleur pour la santé » continue-t-elle sans trop être sûre de ce qu’elle dit. Mais, à la question de savoir quelle est la composition de ces exhausteurs, la plupart des femmes rencontrées au marché restent sans voix, sans doute parce qu’elles n’ont pas la réponse à cette question. Ce qui prouve que l’on consomme énormément de produits dont on ne connait ni la provenance, ni la composition. Très économiques et pratiques, ces bouillons sous leurs différentes formes coûtent entre 25 et 100 FCFA et sont très savoureux parce qu’ils offrent une palette de goûts allant des légumes, aux épices et de la viande au poisson. Ils connaissent un succès fou dans le monde et particulièrement sur le continent africain où les grandes multinationales s’y sont invitées entre les deux guerres. Depuis, d’autres marques de bouillons sont apparues et toutes se livrent une rude concurrence puisqu’il s’agit d’un secteur très rentable sur le continent où l’on en consomme le plus d’après certaines études. Mais ces exhausteurs artificiels sont-ils sans danger pour la santé ?
Entre publicités abusives et parfois mensongères, sponsoring d’émissions culinaires, jeux concours et son faible coût sur le marché, difficile d’échapper au charme de ces compensateurs « trompe-papilles » qui donnent l’impression d’avoir une explosion de saveurs nature dans la bouche. Toutes les couches sociales ont cédé à la tentation sans trop se soucier des dégâts probables à l’estomac et des dangers pour la santé.
Une composition douteuse
« Je sais qu’il y a du sel à l’intérieur en plus d’autres ingrédients que je ne connais pas mais le goût du sel est beaucoup plus présent » nous dit sur un ton crédule Amadou Ndiaye, vendeur au marché Fass. Comme lui, beau nombre de Sénégalais ne savent pas la composition de ces bouillons et cubes parce que tout simplement ce détail est occulté sur certains emballages et incomplète sur d’autres. Et des noms imprononçables ou scientifiques sont souvent lus sur les étiquettes de ces derniers comme le glutamate monosodique (additif exhausteur de goût) ou l’inosinate disodique, de quoi avoir le tournis.  Mais des recommandations reviennent souvent dans certaines marques de cubes « Ne salez pas, ce produit remplace votre sel », « Inutile de saler », ou encore « Maitrisez votre consommation de sel quotidien ». Des conseils pas toujours suivis à la lettre par les ménagères. « Je mets toujours le sel quand je prépare ; c’est indispensable. Ensuite je rajoute un ou deux cubes pour rehausser le goût et c’est tout » nous confie Ndèye Kâ. « Les deux sont indispensables pour moi. Je ne peux supprimer l’un ou l’autre de ma cuisine. Le sel, c’est pour saler et le cube, c’est pour donner du goût » soutient Aby, qui est quelque peu confus dans son discours. L’excès de sel est considéré par l’OMS comme l’un des principaux facteurs de risques des maladies « non transmissibles », comme les maladies cardio-vasculaires, certains cancers (estomac) et même l’ostéoporose seraient favorisés par un excès de sel. Le minimum vital pour couvrir notre besoin physiologique de base est d’1 à 2 g par jour et l’OMS recommande de ne pas dépasser les 5 g par jour. Quels sont les conséquences du sel et du cube dans la préparation ? Est-ce qu’on ne nous vend pas du sel en réalité ? Des questions que beaucoup se posent à travers les médias et surtout sur Internet ; ce qui fait naître le polémique sur l’utilisation nocive ou non de ces produits.
Des ingrédients dangereux pour la santé
En réalité, des médecins, chercheurs, nutritionnistes ou simples consommateurs s’opposent de plus en plus à l’utilisation de ces bouillons dont la teneur en sel est jugée excessive en plus d’autres ingrédients potentiellement dangereux pour la santé. Sur la toile, l’on fait état de travaux et recherches sur ces produits dont les conclusions sont inquiétantes. En 2010, au Mali, un atelier consacré aux « Dangers liés aux additifs alimentaires » s’est tenu au Centre International de Conférence de Bamako. Il a regroupé des experts mais aussi des représentants du ministère de la Santé, des laboratoires de santé, et des agences en charge de la sécurité des aliments. Les travaux ont révélé que ces additifs alimentaires peuvent provoquer des troubles cardiaques, de l’hypertension, des problèmes gastriques, des AVC, de la stérilité, des troubles du comportement chez l’enfant et la liste est loin d’être longue. Depuis, la question a évolué et des recherches et analyses de ces additifs industriels ne font que se multiplier pour tirer la sonnette d’alarme même si elles se heurtent au lobbying de ces toutes puissantes industries qui étirent leurs tentacules partout en Afrique. Au Sénégal, le Dr Aliou Ba, cardiologue, lors d’une interview accordée en Juillet 2013 à un site d’information sénégalais assure que «le potassium bloque le cœur. Un produit qui a le glutamate de potassium ne peut pas être commercialisé. Ces bouillons sont en train de détruire la population parce qu’ils contiennent tout ce qui est contre indiqué pour les maladies cardiovasculaires». Mais le directeur du Commerce intérieur du Sénégal, Ousmane Mbaye,  dans un entretien accordé à un journal, indiquait quant à lui que «les bouillons commercialisés au Sénégal ne présentaient aucun danger ».  Un autre sénégalais, Abdoulaye Diop, chimiste de profession, a confié à Seneweb, un site d’information, les conclusions de ses recherches sur le sujet. Du glutamate en quantité (sel de l’acide glutamique) souvent utilisé en laboratoires pour rendre les souris obèses lors de travaux, des traces d’aluminium, d’arsénite et de pesticides entre autres ingrédients dangereux composent ces cubes. Ce qui fait que certains sénégalais commencent à éliminer progressivement les bouillons de leur alimentation. «Ce sont des produits chimiques à en croire les médecins. C’est pourquoi je préfère les éviter. Rendez-vous compte que certains éleveurs utilisent les bouillons pour castrer les béliers, ce qui prouve que c’est dangereux pour la santé » nous explique Diawara, scandalisé. « C’est même efficace contre les poux quand c’est dilué dans un peu d’eau et appliqué sur les cheveux. Le lendemain, tous les poux meurent asséchés » nous livre Khady Diouf, qui dit l’avoir expérimenté sur sa petite sœur. Aujourd’hui, des voix s’élèvent çà et là pour dénoncer la toxicité de ces cubes et sticks et jusque dans les maisons, les chefs de famille l’interdisent à leurs épouses et progéniture mais combien se cachent encore pour en mettre dans la marmite ?
Vivre sans les bouillons, c’est possible
« C’est à croire qu’avant les bouillons industriels, il n’y avait pas d’autres ingrédients pour préparer. Les jeunes femmes ne savent plus préparer  sans cela. Avant les cubes, on cuisinait avec seulement le sel en ajoutant des légumes, des herbes et épices naturels comme le clou de girole et du poisson séché ou fumé entre autres viandes ragoûtantes etc. » nous dit Yaye Coumba, une septuagénaire assise devant sa maison. «  La conservation d’une nourriture sans bouillons est plus longue que celle qui en contient » nous dit Sada, chef cuisinier. « Personne n’est plus en bonne santé et les maladies se multiplient depuis qu’il y a une multitude de bouillons sur le marché. Et les femmes malheureusement achètent toutes ces variétés au gré de leurs envies et sans en mesurer les conséquences » regrette Saliou Faye, menuisier de son état.
Le retour au Bio souvent suggéré par beaucoup de nutritionnistes, qui proposent des recettes simples ou des bouillons faits maison, tarde à se réaliser dans beaucoup de foyers où l’utilisation du cube a pris le dessus sur le savoir-faire culinaire. Avec les cubes, pas besoin d’être chef pour cuisiner de bons plats parce que toutes sortes de saveurs sont composées par des industries pour satisfaire la demande. Mais face aux dangers avérés ou non de ces produits, il est prudent de vérifier les compositions des additifs utilisés pour éviter de nuire à sa santé. Pour les professionnels de la santé, l’Etat doit établir des bases légales permettant la surveillance, le contrôle et le retrait de produits potentiellement dangereux du marché.



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