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La mendicité à Dakar



La rue de Saint-Louis, le nouvel Eldorado des plus démunis


La rue de Saint-Louis, au Point E, est connu pour être le lieu le plus fréquenté par la Jet Set sénégalaise ou si vous voulez, les personnes les plus nantis. La raison en est que cette rue abrite deux restaurants assez connus, "Les Ambassades" et "Le Glacier Moderne" mais aussi "Le Golden Club" et "Le Ngalam Night" qui sont deux boites de nuit très à la mode.
C'est pourquoi cette rue est également très fréquentée par les mendiants en quête de pitance. Parmi ces derniers figurent des adolescents, des adultes et des vieillards. bref, toutes les tranches d'âge sont représentées et sont sur les lieux tous les jours, de jour comme de nuit. Le matin, devant la Société Générale de Banque du Sénégal (SGBS), un groupe de handicapés moteurs demande l'aumône aux personnes qui entrent ou qui sortent de la banque. Quelques pas plus loin, les talibés côtoient les alentours des restaurants à la recherche d'une âme charitable qui voudrait bien leur donner quelques sous ou un reste de hamburger. Cependant, parmi cette pléthore de mendiants figurent des femmes qui ont la cinquantaine bien crue et elles représentent la majorité parmi cette horde de démunis. Leurs matelas de fortune jetés à même le sol et quelques affaires personnelles rangées dans un coin montrent que la rue leur sert de dortoir. L'une d'elles nous dit qu'elle vient de la banlieue, d'une zone très reculée, et qu'elle ne peut pas rentrer tous les soirs pour revenir le lendemain. C'est pourquoi elle passe ses nuits dans la rue et ne rentre qu'une à deux fois par semaine chez elle.
Pour ces femmes, la mendicité n'est plus une exception, elle est devenue la règle puisqu'elles en font un métier. Elles courent dans tous les sens comme un troupeau égaré et profitent dès fois d'un embouteillage pour aller d'une voiture à l'autre.
Toutefois, les habitants de la rue de Saint-Louis, ainsi que ceux qui la fréquentent, déplorent la présence de ces femmes dans la zone. Selon certains, elles ne font qu'exaspérer tout le monde. Khaly Cissé, un jeune homme de 28 ans rencontré sur les lieux, nous dit que ces femmes ternissent l'image du quartier: " Que Dieu me pardonne...dès fois je les soupçonne de s'adonner à la prostitution car elles ne mendient que la nuit alors que dans la journée, elles ne sont presque pas dans les parages". Le même jeune homme rajoute que ces "vieilles femmes"ont sûrement dû être des filles de trottoir durant leur jeunesse. Dans tous les cas, leur présence est très mal vue dans tout le quartier. Par ailleurs, s'il y en a qui voudrait aussi se débarrasser de ces mendiantes c'est bien les deux restaurants de la place. L'une des serveuses des Ambassades nous raconte leur lutte quotidienne contre ces femmes qui agressent presque les clients par le harcèlement incessant. Natalie soutient également que le vigile leur interdit tous les jours d'aborder les clients à l'entrée du restaurant mais elles ne le prennent jamais au sérieux. Elles se permettent même de l'insulter ou de faire un scandale devant l'entrée. Ainsi, chaque client qui descend de voiture se voit accompagné d'un cortège de mendiantes sans scrupules jusqu'à son entrée dans l'un des restaurants de la rue 44. Partout présentes, elles font également le guet devant les discothèques dans l'attente d'une personne assez généreuse pour leur donner l'aumône. Personne ne leur échappe car elles sont sur chaque parcelle de trottoir et ne passent pas inaperçues. Le caissier du Fast Food (du même restaurant) soutient avec amertume que ces femmes sont une plaie dont ils ne peuvent malheureusement pas se débarrasser. Parfois, lorsqu'elles parviennent à échapper à la vigilance de l'agent de sécurité, elles entrent dans le Fast Food pour s'emparer des restes d'aliments, alors que le client est encore à table, avant de sortir en courant et heureuses de leur exploit. "Ce genre d'incidents risquent de nous faire perdre des clients" récrimine t-il.
Interrogées sur leur présence nocturne dans ce secteur, l'une d'elles nous a envoyés balader en nous sommant de nous occuper de ce qui nous regarde et elle s'éloigne pour aller se placer quelques mètres plus loin. Astou Dieng, une mendiante qui a bien voulu répondre à nos questions (moyennant une somme de 200 fcfa en guise d'aumône), nous dit que si elle fait la manche c'est parce qu'elle n'a pas le choix car les temps sont durent et elle ne trouve du travail nulle part. L'argent qu'elles reçoivent en aumône leur permet de participer à des tontines: elles cotisent chaque jour 500 fcfa et à la fin de chaque mois, elles font le tirage et la gagnante se retrouve avec un peu plus de 100.000 fcfa. Ceci est confirmé par d'autres de ses acolytes qui ajoutent que la tontine leur est d'un grand secours puisqu'elle leur permet de subsister et de satisfaire une partie de leurs besoins. Donc pour ces femmes, il n'est pas question de quitter la mendicité (et la rue de St-Louis encore moins) qui est, pour elles, une chose très rentable même si on leur colle l'étiquette de prostituée. Seul Alioune Ndiaye, un riverain de cette rue, défend leur cause en nous disant que celles-ci mendient la nuit car "elles ont honte de le faire de jour et ce sont des personnes vraiment très démunies". Selon lui, les habitants du quartier devraient les laisser car, jusqu'à preuve du contraire, personne ne peut jurer que ces femmes se prostituent, personne n'en a la preuve. "On ne les a jamais vues entrer dans une quelconque voiture pour s'exercer à cette chose."
Les mendiants ont trouvé leur Eldorado au Point E car ils y sont logés, nourris et ne sont pas près de quitter ce quartier même si on les délocalisait. La rue de Saint-Louis reçoit chaque jour un peu plus de mendiants venant de tous les coins de Dakar. Ils espèrent trouver en ce lieu leur salut.

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